Il aura fallu attendre la fin du discours du Premier ministre pour entendre quelques mots sur les professions libérales. C’est assez significatif du niveau de considération dont nous faisons l’objet. Le fond est malheureusement aussi inquiétant que la forme.
Des mesures spécifiques seront mises en place pour les pompiers, les policiers, les gardiens de prison, les militaires, les enseignants, les infirmières et les aides-soignantes à l’hôpital mais strictement rien pour les infirmières libérales qui voient 1 million de patients par jour, qui travaillent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an et qui sont régulièrement confrontées aux violences, au harcèlement. Rien pour un métier pénible physiquement et psychologiquement, un métier qui est le socle territorial de notre système de santé.
Non seulement il n’y a aucune mesure pour la pénibilité mais on nous demande de travailler plus longtemps : 64 ans, mais il faudra bien sûr aller au-delà si on veut percevoir une retraite digne. C’est tout à fait inconcevable dans un métier comme le nôtre.
Non seulement il n’y a aucune mesure pour la pénibilité mais on nous demande aussi de payer plus. La hausse des cotisations va être lissée sur 15 ans mais au final il faudra bel et bien payer et notre taux de cotisation aura doublé de 14% à 28%.
Quant aux réserves, elles resteront certes dans les caisses des professionnels concernés mais elles accompagneront la transition vers le futur système. Les choses sont donc limpides, nous allons payer 2 fois. Nous avons payé pour constituer ces réserves qui sont le fruit de l’effort des cotisants et d’une saine gestion, nous allons payer une seconde fois pour une réforme qui vise à combler des déficits dont nous ne sommes en rien responsables.
Les projections du montant des retraites des infirmières libérales après réforme sont biaisées, les chiffres avancés sont faux et les compensations de la hausse des cotisations par la baisse de la CSG confirment nos inquiétudes. Avec ces soi-disant compensations, on nous affirmait il y a encore quelques jours que nos taux de cotisations ne doublerait pas mais que la hausse serait limitée à 1 point. Aujourd’hui, dans le discours du Premier ministre, elle est de 2 points. Cela a déjà doublé. Combien demain ? Qui croire ? Jean-Paul Delevoye ou Edouard Philippe. Comment avoir confiance ? Comment croire que la valeur du point sera sanctuarisée et préservée à long terme ? Nous ne sommes pas des perdreaux de l’année pour nous laisser berner par cet enfumage.
En réalité, cette réforme n’est pas prise par le bon bout et n’aborde pas le réel problème. C’est une réforme globale du travail qui pourrait apporter des réponses globales. Une baisse du chômage règlerait durablement la question du financement des retraites. Or aujourd’hui, pour prendre l’exemple des infirmières libérales, nous sommes assommées de charges, charges qui vont encore augmenter avec cette réforme. Les emplois de service que nous pouvions parfois créer il y a quelques années, c’est devenu impossible. Et c’est la même chose pour tout le monde.
Cette allocution du Premier ministre laisse encore de nombreuses zones d’ombre mais apporte des éclairages qui sont inacceptables. Nous appelons donc à la mobilisation début 2020 dans le cadre du collectif « SOS retraites ». Une date de manifestation sera prochainement communiquée. Les spécificités des infirmières libérales doivent être prises en compte et cette réforme doit être largement revue. Face à une réforme inique qui met en danger notre profession, nous ne reculerons pas.