Relever le défi du vieillissement sans les IDEL… ou comment mépriser les infirmières selon Madame El Khomri !

Début juillet, Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, demandait à Myriam El Khomri d’imaginer un plan de mobilisation nationale destiné à restaurer l’attractivité des métiers du grand âge, en prévision du ″papy-boom″ qui se prépare à l’horizon 2025. Oui : Myriam El Khomri, celle-là même qui portait la ″loi Travail″ en 2016 ! Un texte qui a tant suscité la polémique et unifié l’opposition que la majorité avait eu recours au fameux article 49.3 pour passer en force ! Malheureusement, force (décidément, c’est une habitude !) est de constater que Le rapport El Khomri sur l’attractivité des métiers du grand-âge suscite, là encore, une vive inquiétude. Pour de multiples raisons.

DES ″OUBLIS″ STRATÉGIQUES…

En premier lieu, on peut s’étonner que plusieurs professions, pourtant quotidiennement en relation avec les seniors, soient purement et simplement oubliées dans ce rapport ; notamment les infirmières libérales, qui jouent un rôle fondamental dans la prise en charge du grand âge, puisqu’il représente 80 à 90% de leur patientèle. Hormis quelques lignes sur la pratique avancée en gérontologie (qui ne constituera qu’une infime partie du corps de la profession, puisque c’est une spécialisation infirmière), RIEN !

Dans une société qui ne considère pas ses aînés, on ne considère pas plus le personnel de santé qui prend chaque jour en charge leurs besoins comme leurs souffrances. Un ″oubli″ qui relève soit de l’incompétence, soit du mépris, soit d’un calcul savamment planifié. Voire des trois à la fois ! Car certaines propositions de ce rapport sont extrêmement inquiétantes.

IDEL : ESPÈCE MENACÉE, BIENTÔT EN VOIE D’EXTINCTION

Parmi ces incongruités dont certaines se disputent l’absurde à l’irresponsable, on retient bien évidemment la mise en place d’une activité libérale pour les aides-soignants dans les zones sous-denses. Ce qui serait totalement inacceptable pour Convergence Infirmière. Si l’aide-soignant devient libéral, que croyez-vous qu’il adviendra de l’infirmière libérale ? Elle disparaîtra !

Et ce n’est pas tout, car bien entendu, ce projet s’inscrit dans une certaine ″logique″ : Myriam El Khomri envisage purement et simplement de supprimer le concours d’aide-soignant ! Une ineptie dont l’ancienne Ministre semble incapable de mesurer les conséquences : ce n’est évidemment pas sérieux de supprimer toute sélection. N’importe qui pourra alors accéder à ce métier et, corolaire inévitable, c’est bien la qualité des soins qui va se dégrader et la santé des patients qui sera en danger.

En termes de données chiffrées, parmi les 59 propositions de Myriam El Khomri, on note donc la volonté de supprimer le concours d’aide-soignant et de créer 18 500 postes supplémentaires par an en Ehpad et à domicile. Cela jusqu’en 2025.

L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE, C’EST LE DERNIER REMPART !

Une aberration sur laquelle le gouvernement travaille déjà d’arrache-pied, puisque 27 actes infirmiers pourraient rapidement être transférés aux aides-soignants. Que nos ministres favorisent et banalisent ce glissement des tâches est aussi inadmissible que dangereux. Cela démontre – s’il en était besoin – que les considérations financières prennent définitivement le pas sur la qualité. Y compris dans l’esprit de ″nos élites″, censées œuvrer pour l’intérêt général.

Convergence Infirmière le dit et le redit : derrière un acte, il y a des compétences, derrière un acte, il y a un patient qui a besoin d’un professionnel hautement qualifié. Le nivellement par le bas, dans la santé comme ailleurs, n’est pas une ligne politique tenable. Confier nos actes à des personnes qui n’en ont pas les compétences, c’est porter une atteinte à la profession infirmière. Pire : c’est nier l’essence (et le sens) même de notre métier. C’est donc nous sacrifier, alors que les infirmières libérales sont garantes de la qualité des soins.

Les IDEL sont, en quelque sorte, le dernier rempart : elles gèrent tellement de choses, rattrapent tellement de situations, au quotidien, sans même les relever, que toute cette part de leur activité est devenue invisible. Elle se fera jour, lorsque des personnes qui n’en ont pas les compétences effectueront leurs actes !

L’ARGENT, L’ARGENT, L’ARGENT… ENCORE ET TOUJOURS…

En France, 120 000 infirmières libérales prennent quotidiennement en charge 1 million de patients ; et il faut y ajouter la famille, les proches et les divers aidants qu’elles voient quotidiennement. Nous participons donc de manière essentielle au fonctionnement de notre système de santé. Mieux : nous sommes les principaux acteurs sanitaires de proximité, tout comme les maires le sont dans la gestion publique.

Aujourd’hui, nous sommes en droit de nous demander comment les gens vont être soignés dans un futur pas très lointain. À domicile comme en Ehpad, car les soignants n’en porteront que le nom. Une véritable manipulation, orchestrée par les directeurs d’établissement à des fins purement économiques et adoubée par l’État : c’est le règne de la médecine low cost !

Entre des pharmaciens qui assurent désormais les vaccinations antigrippales, des aides-soignants qui pourraient effectuer 27 actes infirmiers, l’IDEL a de moins en moins d’espace pour survivre. Et en parlant ″d’espace″, n’oublions pas non plus que s’il devait y avoir pénurie de personnel soignant, pour prendre en charge nos aînés à domicile, cela s’expliquerait par les mesures de régulation démographique appliquées aux infirmières libérales. En tel cas, Madame El Khomri pourrait peut-être aussi envisager d’augmenter ces quotas ?

PESER DE TOUT NOTRE POIDS LORS DES PROCHAINES MUNICIPALES

À l’approche des élections municipales, il est donc bien normal – et même salutaire ! – que les infirmières libérales se rassemblent prennent conscience de ce qui se joue en ce moment même, et qu’elles pèsent de tout leur poids. Ce n’est qu’ainsi que les candidats comprendront les conséquences de certains projets particulièrement néfastes, qu’ils feront remonter des inquiétudes légitimes et, qu’au bout du compte, le gouvernement abandonnera ses projets dévastateurs. Les responsables publics nous trouveront toujours en travers de leur chemin lorsqu’ils qu’ils prôneront une santé à bas coût, qu’ils mettront en danger l’avenir des professionnels de santé et, au final, la prise en charge des patients.

Convergence Infirmière appelle donc toutes les infirmières libérales à se mobiliser et à interpeller les parlementaires au sujet de ces aberrations. Derrière un acte, il y a des compétences : ne les bradons pas ! Car c’est bien à nos compétences, que l’État s’attaque. C’est grâce à nos compétences que nous avons le droit d’effectuer certains actes. Et ces actes ont un certain coût du fait de nos compétences. Or, l’État veut déléguer ces mêmes actes aux aides-soignants… sans les payer au même tarif ! Ce qui est aberrant, car l’acte sera – théoriquement – le même ; il devrait donc être payé à l’identique. Cela prouve que l’objectif est aussi limpide que simpliste : payer moins cher pour le même acte ! Niveler par le bas n’a jamais été une solution. Pour personne. Et la santé concerne tout le monde, sans exception.

Courrier à Madame Agnès BUZYN, Ministre des Solidarités et de la Santé (05.11.2019)
Courrier à Madame Myriam EL KHOMRI, Chargée de mission sur l’attractivité des métiers du grand âge (05.11.2019)

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