Paris, le samedi 26 mars 2016 – Bien qu’elle ait été votée, le combat contre la loi de santé se poursuit. Les médecins ne sont pas seuls à mener cette lutte pour éviter que ce texte n’entraîne une transformation profonde de l’exercice libéral, les infirmières sont également en première ligne. Ces professionnelles s’estiment en effet les premières cibles de ce texte et se montrent très déterminées à le pourfendre, par tous les moyens, comme le révèle avec force cette tribune signée par la présidente de Convergence Infirmière, Ghislaine Sicre.
Historiquement, le système de soins français se fonde sur des valeurs constitutionnelles fondamentales. Celles là-même qui font honneur à notre République : la liberté de choix du patient, la liberté de prescription du professionnel de santé, la liberté d’installation de ce même professionnel.
Malgré ces principes illustres, et bien que le système de soins français soit le moins dépensier d’Europe, certains, et plus précisément certaine (qui paraît même sûre de son fait) n’hésitent pas à bafouer le cours de l’Histoire. Alors, s’il n’y a heureusement plus lieu, aujourd’hui, d’entonner ″Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine″, ″Convergence Infirmière″ compte bien libérer la France de la Touraine ! Marisol, bien entendu !
Aussi mauvais sur le fond que sur la forme
Par un malheureux concours de circonstance, l’étymologie de ″Marisol″ signifie ″celle qui élève″. On se demande bien quoi et on ne trouve désespérément rien ! Ce n’est pas ″le niveau″, en tous les cas : c’est une certitude ! Ce n’est pas non plus elle qui élèvera la voix, mais bel et bien les infirmières libérales et infirmiers libéraux répartis aux quatre coins de l’Hexagone ! Il s’agit de tendre l’oreille pour entendre, nous entendre et ouvrir les yeux pour voir que ce sont les infirmières qui montreront la voie, car le chemin que nos ″élites″ veulent nous tracer, nous conduit tout droit vers le précipice, ou vers la cage, c’est selon.
Pas vraiment prêt à se jeter dans le vide, pas réellement désireux de se voir enfermé, le syndicat ″Convergence Infirmière″ a fait le choix de s’opposer fermement à la ″loi de modernisation du système de santé″, et vous explique pourquoi la résistance doit s’organiser, dans toutes les régions de France…
Une bombe est lâchée
Souvenez-vous : le 25 Avril 2015, sur les ondes de ″France Culture″, Brigitte Dormont, économiste de la santé, professeur à Paris Dauphine et membre du think tank ″Terra Nova″ (qui se trouve être le laboratoire d’idée du PS) lâche à l’antenne : « La généralisation du tiers payant (…) est une mesure qui est extrêmement structurante (…). C’est, d’une certaine manière, la mort annoncée du système libéral qui est une bonne chose, car la médecine libérale est complètement incompatible avec un système d’assurance maladie comme le nôtre ». Abrupte, violente, cette ″analyse″ nous a profondément blessé. Aussi bien sur le fond que sur la forme, tant le mépris pour les professionnels de santé que nous sommes était ostensiblement affiché.
Évidemment, le rapport de Brigitte Dormont a ensuite été rendu au Premier Ministre. Et si, depuis, l’État nous demande effectivement notre avis et nos contributions vis-à-vis de la loi de santé, le ministère n’en tient jamais compte : les décrets d’application sont les mêmes en entrée et en sortie, à la virgule près. Alors, quid de la concertation ? Néant ! Et bien entendu, Marisol Touraine, droite dans ses bottes, et le sourire pendu aux lèvres, élude toutes nos questions, se contentant d’affirmer à qui veut encore bien l’écouter que « le tiers-payant, ça va être fantastique pour les patients, qui ne vont plus rien payer ».
Jamais, dans un pays démocratique comme la France, la parole n’avait été à ce point bâillonnée ! Jamais, dans un pays démocratique comme la France, la négociation syndicale n’avait été à ce point snobée ! Nous l’affirmons, avec Marisol Touraine, c’est la démocratie elle-même qui vacille sur ses fondations ! Combien de temps allons-nous supporter cela ? Ils veulent en découdre ? Nous allons en découdre !
Une idéologie imposée par la force
Si c’est bien le ″tiers-payant″ qui faisait l’actualité, ces derniers mois, il n’est que la partie visible de l’iceberg. Immergées, l’assurance maladie joue de pair avec les mutuelles, et au final, l’État prend la main sur le système de santé. Les infirmières libérales sont mises au ban et il n’est pas dit que les médecins ne suivront pas le même chemin, dans un futur plus ou moins proche.
Mais ne nous y trompons pas : ce sont bien les infirmières libérales les plus touchées par ce dispositif ! On veut les obliger à s’organiser autrement : on veut impérativement qu’elles se regroupent. Leur fonction ? Dépréciée ! Leur rôle ? Galvaudé !
L’État impose son idéologie, sans lien avec la réalité, la placarde… quitte à forcer les individus à ″rentrer dedans″. Assurément, il faut considérer les infirmières libérales comme des ″exécutantes sans tête″ pour les contraindre à se regrouper dans des ″cages à pingouins″ (maisons de santé, communauté territoriale de professionnels de santé et plate-forme territoriale d’appui), sous les ordres du ″gardien du système″ (ARS)… qui n’est autre que son gestionnaire : l’État, par le biais des ARS.
Ce système de soins repose sur le ″tout structure″ tant décrié par Convergence Infirmière depuis des années. Mais c’est à l’opposé de notre culture libérale, constitutive de notre système de santé depuis des lustres. Incontestablement, la Ministre de la Santé n’éprouve que de l’indifférence vis-à-vis des professions libérales qui pourtant constitue aux yeux des autres pays, l’exception Française, gage de qualité de notre système de prise en charge ambulatoire. Elle nie l’apport, le savoir-faire et la valeur ajoutée des infirmières libérales, qui jouent pourtant les premiers rôles dans notre système de soins. Fatalement, nous n’y trouverons plus notre place. En pareilles conditions, la question est on ne peut plus claire : comment les infirmières libérales pourraient-elles s’approprier ce nouveau dispositif ?
Notre exigence : rester nous-mêmes !
Vous souvenez-vous pourquoi nous sommes devenues infirmière libérale ? Pour l’autonomie et l’indépendance que procure ce statut si particulier, bien sûr. Pour soigner, évidemment ! Mais aussi pour l’aspect relationnel que nous seules développons avec nos patients, chez qui nous avons plaisir à rentrer. Un lien très particulier se noue : certaines choses nous sont dites, de celles que l’on ne dirait pas à un ami. Nous en savons beaucoup sur nos patients, et la marque de confiance que l’on nous accorde est rare. Donc précieuse.
Notre patient nous apprécie pour nos compétences, notre personnalité, les services que nous lui rendons, lorsque nous amenons ses prélèvements sanguins au laboratoire d’analyses, mais aussi pour notre proximité, puisque c’est bien nous, qui nous rendons chez lui. Pas l’inverse.
Plus à perdre qu’à y gagner
Envolée, la proximité, avec les multiples structures dans lesquelles il faudra se déplacer ! Disparue, la relation singulière, puisque les infirmières, soumises au régime des ″trois-huit″, ne seront jamais les mêmes au chevet du patient ! Oubliés, les services, lorsqu’il s’agira, pour l’infirmière salariée, de respecter des horaires et de ″surveiller sa montre″ ! Pas question, donc, d’y laisser notre âme, d’y perdre notre identité et nos valeurs. Pas plus envie que l’on nous dépouille de notre statut comme de notre patientèle et de notre patrimoine professionnel ! Et puis, regardons les choses en face : toutes ces structures existent déjà ! On nous les présente comme un exemple de prise en charge, alors qu’aujourd’hui, ce sont bel et bien les professionnels de santé libéraux qui soignent l’immensité de la population… et on veut changer tout ça ! Combien existent-ils de structures, aujourd’hui, qui travaillent avec les infirmières libérales, notamment les week-ends parce qu’elles trouvent en nous une disponibilité sans précédent ? Où pourrait se situer notre rôle dans ce nouveau système de soins ? Au vu de la prédominance des structures (HAD, SSIAD, sociétés prestataires de santé à domicile), il y a plus à perdre qu’à gagner, notamment en termes de maintien à domicile, de prise en charge de la dépendance, ou encore de soins techniques…
Économiquement, le système sera ainsi beaucoup plus contrôlable. Il est si tentant pour un gouvernement de vouloir fermer des enveloppes. Comment prendre la main sur un système libéral payé à l’acte, dont l’inflation (explicable) est exponentielle et proportionnelle à l’évolution de la prise en charge ambulatoire ? Ainsi, il y a fort à parier que les structures en place fixent déjà des tarifs spécifiques à leur personnel, des forfaits journaliers…Accepterez-vous d’entrer dans ce dispositif et d’être soumises au même régime ? ″Convergence Infirmière″ le refuse !
Les dangers de la (dé)capitation
Objectivement, il existe trois modèles de tarification possibles… et les deux derniers sont de véritables écueils :
à l’acte (c’est ce qui a actuellement cours) ;
au forfait (on nous encourage fortement à y adhérer !) ;
à la capitation : un système qui a cours en Angleterre et dont notre Ministère ne nous parle pas encore… mais nous préférons prendre les devants et vous en dresser un rapide aperçu, sait-on jamais !
La loi de santé a en effet déjà amorcé quelque chose dans le genre. Ce système est très dangereux, puisqu’il ne tourne plus autour du patient, mais autour du médecin. Ce dernier possède une enveloppe budgétaire par patient (ou par classe de pathologies) pour gérer l’ensemble des soins. Pour minimiser les dépenses, les autres professionnels de santé verront leur statut changer : ce sera l’avènement de la fiche de paie… oui, là on vous prévient !
La capitation est en opposition totale avec la philosophie de ″Convergence Infirmière″. Les mots sont d’ailleurs ainsi faits qu’il suffit de lui ajouter le préfixe ″dé″ avec lequel on joue facilement, pour qu’elle prenne véritablement tout son sens, celui de la ″décapitation″ : le fait d’anéantir ce qui constitue l’essentiel. D’exécuter. De mettre à mort. Tant la profession que la qualité de prise en charge des patients. Inutile de préciser que pour Convergence Infirmière, c’est inacceptable ! D’ailleurs, qu’on ne s’y trompe pas : les deux plus gros syndicats de médecins y pensent déjà ! Il y a quelques années de cela, l’un d’eux avait invité ″Convergence Infirmière″ et lui avait proposé d’inventer un nouveau métier : l’assistant médical. Un emploi exercé dans les cabinets médicaux, pour jouer le rôle de ″filtre″ et s’occuper des tâches administratives. Autant vous dire que nous leur avons opposé une fin de non-recevoir ferme et définitive ! Il faut réagir, ou ″la médecine à deux vitesses″ va très vite devenir une réalité !
Une véritable usine à gaz
La loi de santé a été instaurée sans la moindre concertation avec les professionnels de santé, pourtant les premiers touchés par cette loi, parce qu’elle modifie la gouvernance de la santé, parce qu’elle bouleverse l’exercice des soins de premier recours et l’organisation de ses acteurs, et parce qu’elle révolutionne le parcours du patient.
La France compte un peu plus de 100 000 infirmières libérales et infirmiers libéraux. Comment ne pas penser à s’appuyer sur eux pour mettre en place une réelle loi de modernisation du système de santé ? La profession jouit d’une excellente image auprès du public, et le lien qui les unit avec leurs patients est profond. Comment ne pas s’appuyer sur ce réseau ? Comment faire sans la profession infirmière ? Comment est-il possible que nos ″élites″ puissent même seulement l’imaginer ? C’est de la folie !
Les organisations professionnelles se seraient fait un devoir d’élaborer, de concert avec le ministère de la Santé, des propositions pour améliorer l’organisation et l’accès aux soins. En lieu et place, nous n’avons eu droit qu’au mépris !
A quand le retour des dispensaires ?
″La loi de modernisation du système de santé″, sous couvert d’une avancée majeure faite pour les patients (puisque le tiers payant généralisé leur permettra d’avoir accès gratuitement aux soins), n’est qu’un leurre.
En réalité, le patient va automatiquement être orienté vers les structures… et il sera obligé de suivre ce parcours ! Les conséquences seront désastreuses :
plus de libre choix pour le patient, un parcours coordonnée imposé selon sa pathologie, des acteurs assignés par l’Hôpital ou l’ARS, des filières de soins organisées par l’État et l’ARS et un numéro unique ;
plus de remboursement, dès lors que le patient ne suit pas à la lettre le parcours auquel on le contraint ;
plus de secret médical, puisque les données seront ouvertes à tous ;
plus de liberté d’installation pour les professionnels de santé… qui seront désormais gérés par l’ARS ;
et, bien entendu, plus d’exercice libéral, la grande avancée étatique consistant à nous vendre aux mutuelles !
La santé n’est pas un bien comme un autre ! Ce n’est pas qu’un ″consommable″. Et la concurrence comme la diversité des professionnels de santé doit perdurer, si l’on souhaite garantir la qualité des soins et son – libre – accès à tous. D’ailleurs, l’article L.1110-8 du ″Code de la Santé Publique″ stipule que ″le droit du malade au libre choix de son praticien et son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire.″
L’exercice regroupé en ″structures″ va ni plus ni moins abolir ce principe fondateur. De surcroît, et dans la plupart des prises en charge assurées ″en structures″, les interventions se résument très exactement à ce que font… les infirmières libérales ! On croit rêver…
″Convergence Infirmière″ refuse que soient détruits les fondamentaux du système de santé à la française ! Non à ″l’étatisation des soins″ !
Mettre en œuvre le bilan de soins infirmiers (BSI)
Nous portons haut les valeurs de la profession infirmière, et nous défendrons l’art et le savoir-faire infirmier dans toutes ses dimensions : du ″care″ au ″cure″, de la prévention à l’éducation, en passant par la coordination et la promotion de la santé ! Car seules garantes des soins 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, les infirmières peuvent légitimement revendiquer de coordonner les autres acteurs du système de soins, puisqu’elles sont les seules à rendre compte tous les jours de l’état de santé du patient.
″Convergence Infirmière″ s’engage ainsi à mener une politique nationale qui respecte les infirmières libérales et leurs compétences, qui affirme leurs positions fortes dans le système de soins, qui sécurise et promeut leur identité comme leur statut et qui, enfin, leur offre une évolution valorisante vers de nouveaux rôles. Conçu par “Convergence infirmière”, le Bilan de Soins Infirmiers sera le vecteur de cette évolution, tant il offre de possibilités. Totalement instinctif, parfaitement adapté à la prise en charge des patients dépendants, en lieu et place de la DSI (Démarche de Soins Infirmiers), le BSI, fondé sur la charge en soins, est l’instrument de référence de la coordination entre professionnels de santé, mais également avec le secteur hospitalier ou le secteur médico-social (valorisant les soins relationnels et les soins éducatifs / ETP), étendu à tous les patients atteints de pathologies chroniques en termes de suivi, d’éducation, de prévention au sein d’une prise en charge pluri-professionnelle, afin d’éviter les ré-hospitalisations et de prévenir la dépendance (prise en en charge pluri-professionnelle coordonnée). Ne laissons pas cet outil être discrédité comme la DSI le fût à son lancement. Plus que jamais nous devons nous l’approprier.
″Convergence Infirmière″ s’engage à défendre un projet ambitieux pour la profession. Que cela soit clair : nous ne lâcherons rien en termes d’organisation de l’exercice libéral infirmier !
Le projet alternatif et libéral de Convergence infirmière
Nous proposons un projet alternatif, exclusivement libéral, respectueux de chacun des professionnels de santé… et sans lien de subordination ! Il est fondé sur vos valeurs, votre indépendance, la protection de vos intérêts, de votre statut, mais également de votre patrimoine. En voici les trois étapes clés :
1) Les infirmières et les infirmiers se regroupent sous une véritable forme juridique (ils sont peut-être déjà regroupés, mais pas sous une forme juridique avérée).
2) Les autres professionnels de santé doivent également se regrouper entre eux (ils l’ont d’ailleurs déjà proposé).
3) Nous créons un espace libéral de coordination entre professionnels de santé dans une organisation libérale qui regroupe toutes ces compétences sans subordination. Mise en place également d’une plate-forme d’appui libérale qui supplante et remplace les plates-formes d’appui des ARS. L’équipe ainsi constituée développe un projet médical partagé… et les infirmiers s’approprient le rôle de l’interlocuteur des structures de soins.
Les avocats de ″Convergence Infirmière″ travaillent d’arrache-pied sur ce dossier et s’emploient à le verrouiller d’un point de vue juridique.
Dans cette loi, les infirmières libérales, actrices majeures du premier recours sont les grandes oubliées. Elles se trouvent asservies aux médecins ; la faute à un texte élaboré sans concertation aucune… C’est cette idéologie, sans lien avec la réalité, que les professionnels rejettent ! Et lorsque la contestation atteint un point de non-retour, cela déclenche forcément quelque chose. ″Convergence Infirmière″ ira jusqu’au bout et nous ne demanderons à personne l’autorisation de le faire : nous le ferons !
Avant, les infirmières libérales et les infirmiers libéraux étaient l’objet d’une concurrence déloyale des structures (HAD, SSIAD). Demain, avec la modernisation de l’exercice libéral prôné par ″Convergence Infirmière″, c’est le ″tout structure″ qui devra faire face à la concurrence du libéral. On nous cherche ? On nous trouve ! On ne laissera pas faire !
Nous utiliserons tous les moyens légaux pour ne surtout pas entrer dans ce système du ″tout structure″, dont on pense qu’il va profondément dénaturer les prises en charge et désorienter les patients : on veut les faire entrer dans un parcours de santé qui, en réalité, est un véritable parcours du combattant.
Convergence infirmière entend être le moteur de la contestation. Nous irons jusqu’au bout, nous nous engagerons dans une lutte sans merci et l’état va avoir du fil à retordre avec ses infirmières et ses infirmiers. Il sera bien obligé de comprendre que quand les libéraux ne veulent pas quelque chose, il est impossible de le leur imposer. Devra-t-on entrer en résistance et se mettre hors-la-loi pour simplement soigner nos patients ? Convergence infirmière est prêt à tout !