Quand les chiffres sont bons, c’est grâce à eux… quand ils sont mauvais, c’est de notre faute !
Sans doute avez-vous lu ce communiqué, en droite provenance d’un syndicat de pharmaciens ? Il y était question de chiffre : moins 12% de vaccins antigrippaux dispensés, en l’occurrence. Un pourcentage d’autant plus inquiétant que le contexte d’incidence se veut légèrement au-dessus des années précédentes. Alors, pour rebooster ce chiffre et le faire passer du côté positif de la barrière, ce syndicat de pharmaciens a trouvé LA solution : solliciter la proactivité de l’ensemble des professionnels de santé ! On croit rêver, on se pince… mais on est bien éveillé !
DÉSHABILLER PIERRE AU PROFIT DE PAUL : UN TRÈS MAUVAIS CALCUL
Il faut effectivement se rappeler que les pharmaciens ont obtenu la vaccination par expérimentation en la demandant avec insistance. Et en clamant que les officines étaient ouvertes 6 jours sur 7, avec de fortes amplitudes horaires et un accès libre pour le patient…
Pourtant, souvenez-vous : Convergence Infirmière le dénonçait déjà ouvertement, à l’époque. Il vous suffit, pour cela, de jeter un œil à ces communiqués de presse datés de 2018 : https://bit.ly/3zDtpYu et https://bit.ly/3h836mZ . Car nous étions bien conscients du risque que cela faisait courir et à la population et à la profession infirmière. Ce ne sera, en effet, jamais en déshabillant Pierre pour habiller Paul que l’on augmentera la couverture vaccinale ! C’est une évidence… qu’il est visiblement bon de rappeler régulièrement.
POUR LA HAS, LA VACCINATION ÉTAIT – DÉJÀ – EFFECTUÉE AU PROFIT DES PHARMACIENS ET AUX DÉPENS DES IDE
D’ailleurs, la HAS, dans son rapport de juillet 2018, ne disait pas autre chose. L’expérimentation (dans deux régions, à cette époque) démontrait ainsi que “la vaccination en officine n’améliore pas la couverture vaccinale mais est une substitution de l’acte au profil des pharmaciens et au détriment des médecins et ide” (page 5). Mieux (ou pire…), en page 33, le rapport stipulait que “les données ne mettent pas en évidence d’évolution significative de la couverture vaccinale ni dans ces deux régions ni en France métropolitaine :
- + 0,1 point (46,1 % en 2017-2018, stable par rapport au taux de 46,0 % de la saison 2016-2017) pour les deux régions concernées ;
- – 0,2 point dans les autres régions non concernées (45,9 % en 2017-2018, stable par rapport au taux de 46,1 % de la saison 2016-2017).
Aucune évolution significative n’a été constatée dans les deux régions chez les non primo-vaccinés (-0,2 % par rapport à la saison précédente) en comparaison aux autres régions non concernées (-0,4 %).”
C’était donc clairement prévu par le rapport de la HAS, sauf qu’il y eut une volonté forte de léguer la vaccination antigrippale aux pharmaciens. Mais ce transfert d’activité n’a en rien augmenté la couverture vaccinale.
UN CHOIX A ÉTÉ FAIT AU DÉTRIMENT DES ACTEURS DE SANTÉ LES PLUS PRÉSENTS SUR LE TERRAIN
Finalement, à en croire les experts indépendants, cette expérimentation n’a pas augmenté le taux de couverture vaccinale de la population. Elle n’a pas non plus touché de nouveaux publics, et son “succès” s’explique par le transfert de catégories professionnelles (les médecins, les infirmières) vers une autre (les pharmaciens).
Le bilan est donc très mitigé pour la population, pour la santé publique et est carrément négatif pour la seconde profession en nombre, au niveau national : les 130 000 infirmiers libéraux. Car cette vaccination antigrippale a eu lieu au détriment des acteurs les plus nombreux, les plus présents sur le terrain et ayant le maillage territorial le plus complet.
Et puis, n’oublions jamais que vacciner n’est pas un geste anodin. Face à un choc anaphylactique, médecins et infirmiers sont habilités à administrer les traitements de premiers secours, pas les pharmaciens.
DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ SOLLICITÉS POUR DIRIGER LES PATIENTS EN OFFICINE !
Aujourd’hui, hormis les patients qui sont alités ou qui ont de gros problèmes de mobilité, les IDE ne vaccinent quasiment plus. Et lorsque les patients peuvent se déplacer à l’officine avec leur bon pour récupérer leur vaccin, bien souvent, les vaccinations se voient détournées par les pharmaciens… Ceux-là même qui ne jouent pas le jeu des équipes coordonnées ! Bref, pour ce qui est de la vaccination antigrippale, les IDE ont perdu entre 80 et 95% de leur patientèle. C’est énorme !
Et aujourd’hui, un syndicat de pharmaciens se permet de demander la proactivité des professionnels de santé dont on a détourné la patientèle ! Ne serait-ce pas là la fameuse goutte qui ferait déborder un vase déjà trop plein ? Oui : c’en est trop !
En gros, si l’on décode le message (même s’il est finalement déjà très explicite : là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir), on nous demande de nous agiter et d’informer le public pour que les pharmaciens vaccinent encore plus. La blague !
Et pourtant, les outils de promotion, à coup de grandes affiches sur les vitrines, ne manquent pas, pour assurer la rentabilité de la vaccination antigrippale en officine ! Visiblement, cela ne leur suffit pas, puisqu’ils demandent le renfort des professionnels de santé auxquels ils ont tout pris!
Mais de qui se moque-t-on ?
LES IDEL NE DEMANDENT QU’À ASSURER LA COUVERTURE VACCINALE… MAIS DANS LE RESPECT
Que les choses soient claires, que l’on nous demande de nous engager pour assurer une couverture vaccinale digne de ce nom et nous répondrons présent(e)s… mais avec les mêmes droits que les pharmaciens, promotion avec spots télévisés, possibilités d’apposer des affiches sur nos cabinets, et possibilité de détenir des vaccins dans nos cabinets en les récupérant auprès des grossistes répartiteurs ou dans les officines (avec un certain nombre dédié aux IDEL) ! En conséquence, Convergence Infirmière appelle le Ministre de la Santé a prendre les décisions qui contribueraient, de facto, à augmenter la couverture vaccinale de la population. Sans quoi la plupart des IDEL se détourneront irrémédiablement de toutes vaccinations…