Exercice illégal de la profession d’infirmier : quand la réalité dépasse la fiction !

► Alerté par l’une de nos adhérentes sur un cas typique d’exercice illégal de la profession, effectué par un aide-soignant installé en libéral, Convergence Infirmière saisit l’Ordre national infirmier.

Quelle ne fût pas la surprise de l’une de nos consœurs, installée dans la région Grand-Est, lorsqu’elle croisât le véhicule de l’un de ses ″confrères″ (sic), affublé d’affichettes assurant sa promotion et détaillant nombre de ses compétences professionnelles, options ″soins à domicile″. Au point d’en faire un slogan tout en rimes ″prendre soins de vous, chez vous″. Intriguée par cette publicité formellement interdite par la loi, notre collègue a contacté Convergence Infirmière… et notre enquête a commencé. Nous n’avons pas été déçus. Façon de parler…

UN AIDE-SOIGNANT QUI RÉALISE DES SOINS… INFIRMIERS !

Il s’avère que ce professionnel de santé est un aide-soignant installé en libéral, diplômé d’État. Parmi les soins qu’il propose (voir les encarts ci-dessous), deux sortent du référentiel d’activités propres aux aides-soignants :

les ″surveillance et aide à la prise des médicaments″, qui signifient que les médicaments sont bien donnés par l’aide-soignant et/ou contrôlés par lui ;
la ″surveillance du diabète (dextro/glycémie capillaire)″, qui signifie explicitement que l’aide-soignant contrôle la glycémie. Voire plus, en effectuant une injection, au besoin.

Comme chacun d’entre nous le sait, les règles liées à l’exercice de la profession d’infirmier sont régies par les dispositions des articles L 4311-1 et suivants du Code de la santé publique. Celles liées à l’exercice de la profession d’aide-soignant se trouvent aux articles L 4391-1 et suivants du même Code. Enfin, l’article R 4311-5 du CSP établit la liste des soins relevant de la compétence propre de l’infirmier.

QUID DE LA DÉLÉGATION INFIRMIÈRE ?

Il ne faut pas oublier que l’aide-soignant exerce son activité ″sous la responsabilité de l’infirmier, dans le cadre du rôle de l’initiative de celui-ci, défini par les articles 3 et 5 du décret n° 2002-194 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier″ (annexe IV de l’arrêté du 25 janvier 2005 relatif aux modalités d’organisation de la validation des acquis de l’expérience). Ce texte liste les huit activités qui constituent le référentiel d’activités de la profession d’aide-soignant :

► dispenser des soins d’hygiène et de confort à la personne ;
► observer la personne et mesurer les principaux paramètres liés à son état de santé ;
► aider l’infirmier à la réalisation de soins ;
► assurer l’entretien de l’environnement immédiat de la personne et la réfection des lits ;
► entretenir des matériels de soins ;
► transmettre ses observations par oral et par écrit pour maintenir la continuité des soins ;
► accueillir, informer et accompagner les personnes et leur entourage ;
► accueillir et accompagner des stagiaires en formation.

Clairement, il est stipulé que l’aide-soignant DOIT exercer sous la responsabilité et le contrôle d’un infirmier les soins de prévention, de maintien, de relation et d’éducation à la santé pour préserver et restaurer la continuité de la vie, le bien-être et l’autonomie de la personne. Ce qui n’est pas le cas ici, puisqu’il est installé à son compte comme l’est une infirmière libérale. De plus, il applique des tarifs venus d’on ne sait où… mais qui s’apparentent tout de même fortement à ceux d’une IDEL. Voire même plus élevés !

PASSE TON DE SI TU VEUX ÊTRE IDE, SINON C’EST DEUX ANS D’EMPRISONNEMENT ET 30 000 € D’AMENDE !

Les soins prodigués par cet aide-soignant mettent clairement en danger une population fragile, qui peut se laisser berner par ces affichettes alléchantes !

C’est donc un cas typique d’exercice illégal de soins infirmiers, dans la mesure où ces soins dépassent la compétence de l’aide-soignant, telle que définie par le référentiel d’activités précité.

Selon l’article L 4314-4 du CSP, l’exercice illégal de la profession d’infirmier est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Comme l’indique l’annexe IV de l’arrêté de 25 janvier 2005 précité, l’aide-soignant exerce son activité sous la responsabilité d’un infirmier. L’exercice de l’aide-soignant se situe donc uniquement dans une collaboration au rôle propre de l’infirmier. Il ne peut dès lors pas travailler à son compte, car il n’a pas de rôle propre. Il ne peut donc s’installer à titre libéral pour son propre compte.

L’installation libérale étant impossible, certains sont tentés de se déclarer comme ″service d’aide à la personne″. Les services d’aide à la personne (SAP) sont constitués de prestations s’adressant à des particuliers à leur domicile et sont effectuées soit par un organisme de services à la personne (OSP), soit par un entrepreneur individuel.

SERVICES D’AIDE À LA PERSONNE… À L’EXCLUSION D’ACTES DE SOINS RELEVANT D’ACTES MÉDICAUX

En application de l’article L 7231-1 du Code du travail, les services à la personne portent notamment sur ″l’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile″. Et conformément à l’article L7232-1 du Code du travail, cette activité d’assistance susvisée est soumise à agrément délivré par autorité compétente, à savoir la Préfecture.

Selon l’article D 7231-1 du Code du travail, est soumise à agrément l’activité d’ ″assistance dans les actes quotidiens de la vie ou aide à l’insertion sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques qui ont besoin de telles prestations à domicile, […] à l’exclusion d’actes de soins relevant d’actes médicaux, à moins qu’ils ne soient exécutés dans les conditions prévues à l’article L 1111-6-1 du Code de la santé publique […]″.Cet article indique également qu’une personne durablement empêchée d’accomplir elle-même des gestes liés à des soins prescrits par un médecin, peut désigner un aidant de son choix pour les réaliser.

Mais dans le cas qui nous (pré)occupe, les soins proposés par cet aide-soignant sont précisément ″des actes de soins relevant d’actes médicaux″. De plus, l’activité de cet aide-soignant ne se limite pas à ces catégories de personnes (personnes âgées, handicapées, ou atteintes de pathologies chroniques).

Bref, il semble évident que l’installation de cet aide-soignant comme ″service à la personne″ soit tout autant irrégulière, car il n’est pas AVS (auxiliaire de vie sociale). Et qu’il s’arroge le droit de faire des soins… sans y être autorisé.

METTRE FIN À CES PRATIQUES ET PRENDRE LES MESURES QUI S’IMPOSENT

Convergence Infirmière dit STOP à ce type de pratiques, tant à domicile, dans les SSIAD, qu’en structures, où bon nombre d’aides-soignants, usurpent leurs fonctions. Ils s’arrogent le droit d’effectuer des soins infirmiers, sous couvert de leurs directions, pas très ″regardantes″ sur le sujet, par soucis économiques ! Sauf que la sécurité des patients n’est pas assurée et qu’ils mettent leur santé en danger !

Nous n’accepterons jamais que nos compétences, notre rôle propre et notre formation, longue de 3 années, de 2 100 heures d’apports théoriques et de 2 100 heures de formation clinique, où sont étudiées pas moins de 36 matières différentes délinées en 59 unités d’enseignement, soit ainsi bafouée.

Convergence Infirmière a donc saisi le Conseil de l’Ordre national des infirmiers, pour qu’il puisse prendre toutes les mesures qui s’imposent pour mettre fin à l’exercice illégal de la profession d’infirmier.

Convergence Infirmière appelle toutes les infirmières à ne JAMAIS laisser spolier leurs compétences et a déposer plainte dès que ce type de fait est avéré. Et ce même en structure.

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