La Présidente de Convergence Infirmière revient sur ce texte important pour la profession et en particulier la consultation infirmière
Alors que la proposition de la loi sur la profession d’infirmier est examinée ce 5 mai en séance publique au Sénat, Ghislaine SICRE Présidente de Convergence Infirmière plaide pour la mise en place d’une consultation Infirmière et plus largement d’un texte qui ne soit pas vidé de sa substance tout en réaffirmant la nécessité de revaloriser les infirmières et les infirmiers libéraux à l’approche des négociations conventionnelles.
Commençons par la consultation infirmière que Convergence Infirmière porte depuis toujours, Que représente -t’elle selon vous ?
La consultation infirmière est un acte structuré, autonome, qui mobilise le rôle propre infirmier. Elle repose sur l’analyse clinique, le jugement clinique infirmier et l’utilisation de référentiels comme les 267 diagnostics infirmiers de la NANDA et les 100 grilles d’évaluation standardisées. Elle permet une évaluation globale, à l’instant T, de l’état de santé du patient dans son environnement.
Sur quels fondements cliniques repose la consultation infirmière ?
Elle repose sur plusieurs piliers : l’analyse des besoins fondamentaux selon le modèle de Virginia Henderson, l’identification de diagnostics infirmiers, l’évaluation des risques et complications, et l’élaboration d’un plan de soins ciblé. Le jugement clinique infirmier est central dans cette démarche, tout comme l’utilisation de grilles validées (ex : Doloplus, Rockwood, EVA, etc.).
En quoi cette consultation se distingue-t-elle d’un simple soin ou d’un entretien infirmier ?
La consultation infirmière est un acte à part entière, qui va bien au-delà d’une transmission orale ou d’un soin ponctuel. Elle implique une démarche clinique complète, une traçabilité, une restitution écrite et une coordination interprofessionnelle. Elle peut inclure une réévaluation thérapeutique, un bilan de l’observance, et une éducation thérapeutique.
Quel est le cadre réglementaire qui permet ou limite aujourd’hui cet exercice ?
Le Code de la santé publique reconnaît le rôle propre infirmier, mais la consultation infirmière n’est pas encore officiellement codifiée dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). L’enjeu des négociations conventionnelles est justement d’intégrer cette pratique dans un cadre reconnu, valorisé, et rémunéré.
Quels bénéfices concrets pour le système de santé dans son ensemble ?
Elle permet de prévenir les complications (ex : escarres, déséquilibres glycémiques, chutes), d’optimiser la coordination avec le médecin traitant, de réduire les hospitalisations évitables, et de rationaliser la consommation de médicaments et de dispositifs médicaux. C’est un acte à fort retour sur investissement pour l’Assurance Maladie.
En termes d’efficience, quels gains peut-on anticiper ?
Le bilan médicamenteux infirmier permet de réduire le gaspillage médicamenteux et matériel, estimé à 1,4 milliard par an. De plus, en libérant du temps médical, la consultation infirmière améliore l’accès aux soins dans les zones sous-dotées.
Quelle est la différence entre une consultation infirmière et une consultation médicale ?
La consultation infirmière relève du rôle propre infirmier. Elle est centrée sur l’évaluation globale du patient dans son quotidien, la prévention, l’éducation à la santé, et le repérage de complications. Elle s’appuie sur le jugement clinique infirmier et vise à renforcer l’autonomie du patient. La consultation médicale, quant à elle, est centrée sur le diagnostic médical, la prescription thérapeutique et le suivi pathologique. Les deux consultations sont complémentaires dans un parcours de soins coordonné.
Quelle est la différence entre un diagnostic infirmier et un diagnostic médical ?
Le diagnostic infirmier identifie les réponses humaines aux problèmes de santé ou aux risques potentiels, et guide les interventions relevant du rôle propre. Il est basé sur l’observation clinique, les besoins fondamentaux et les outils comme les diagnostics de la NANDA. Le diagnostic médical, en revanche, nomme une pathologie ou un trouble physiopathologique nécessitant un traitement médical. Ils ne s’excluent pas : l’un vise l’autonomie fonctionnelle, l’autre la prise en charge curative.
La consultation infirmière peut-elle porter spécifiquement sur le bilan médicamenteux ?
Oui. Une consultation infirmière peut être centrée uniquement sur le bilan médicamenteux : vérification du stock, évaluation de l’observance, analyse de la conciliation médicamenteuse, identification des effets indésirables, et ajustement de l’alliance thérapeutique. Elle contribue à sécuriser le circuit du médicament et à prévenir des complications évitables, tout en limitant le gaspillage.
En quoi consiste une consultation infirmière autour du bilan vaccinal ?
L’infirmier peut évaluer l’état vaccinal d’un patient, repérer les rappels manquants, informer sur les obligations ou recommandations vaccinales, et contribuer à la mise à jour du calendrier vaccinal. Cette action, traçable et coordonnée, participe activement à la santé publique et à la prévention primaire.
Une consultation infirmière peut-elle être centrée sur une problématique spécifique comme la prise en charge de plaies ?
Absolument. Le bilan de plaie est une forme de consultation infirmière à part entière : évaluation de la plaie selon des grilles spécifiques, surveillance des signes infectieux, adaptation du protocole de soins, et coordination avec le prescripteur si nécessaire. Elle mobilise des compétences expertes, notamment en cicatrisation et gestion des pansements complexes.
Peut-elle aussi être une consultation de prévention, même en l’absence de pathologie déclarée ?
Oui. Une consultation infirmière peut être préventive, ciblant des risques comme la dénutrition, la perte d’autonomie, la chute, les troubles cognitifs ou le diabète. Elle permet d’agir en amont, de déclencher des parcours adaptés, et de sensibiliser le patient. C’est une brique essentielle de la médecine préventive.
Peut-on envisager une consultation infirmière généraliste couvrant toutes les problématiques d’un patient ?
C’est même l’ambition principale : proposer une consultation globale, intégrée, qui fait le lien entre les aspects médicaux, sociaux, fonctionnels, psychologiques, et environnementaux. L’infirmier libéral, par sa proximité, est en position idéale pour avoir cette vision transversale, complémentaire de celle du médecin.
Des négociations conventionnelles vont débuter prochainement, pourquoi une revalorisation financière est-elle plus que jamais indispensable ?
La lettre-clé AMI n’a pas été revalorisée depuis 2009, malgré l’augmentation des compétences, des responsabilités et des attentes vis-à-vis des infirmiers libéraux. Convergence Infirmière demande une enveloppe de 1,4 milliard d’euros, à l’instar des médecins, pour financer une réforme équitable, cohérente avec les retards accumulés (notamment 2017 et 2022).
Quelle est votre position vis-à-vis d’une multiplication d’actes non pertinents ?
Convergence Infirmière est opposée au fléchage budgétaire vers des actes marginaux ou inutiles. Notre revendication est basée sur une pratique existante, éprouvée sur le terrain, avec un impact clinique réel et mesurable. La reconnaissance doit aller vers l’acte utile, traçable, et générateur de qualité et d’économies.
Quel message souhaitez-vous adresser aux sénateurs ?
Que nous ne souhaitons pas marcher sur les plates-bandes des médecins. Nous voulons de la complémentarité et du gagnant-gagnant pour les patients et pour les soignants. La proposition de loi sur la profession d’infirmier est un outil important pour améliorer notre système de santé en grande difficulté. La version portée par l’Assemblée Nationale doit être confortée. Il ne faut pas la dénaturer. Nous comptons sur le bon sens des sénateurs qui sont par excellence les représentants des territoires et sont à ce titre ancrés dans les réalités.