La rupture est consommée entre les infirmières libérales et le CNPS (Centre National des Professions de Santé). Les trois syndicats infirmiers membres que sont la FNI, CI et l’ONSIL se retirent de concert pour dénoncer les clivages professionnels qui y règnent et qui compromettent toute véritable dynamique interprofessionnelle et intersyndicale.
Le consensus affiché avait de plus en plus de mal à masquer des désaccords de fonds exacerbés par l’adoption d’une loi de modernisation du système de santé basée sur le “tout médecin” et l’hospitalo centrisme. La constitution récente et surprenante du « collectif santé 2017 » a mis le feu aux poudres et cristallisé la rupture. Composé des ténors du CNPS (CSMF, SML, FSPF, LEM) cette plateforme s’est donnée pour objectif de porter les sujets santé « d’une seule voix » sur le terrain de la campagne présidentielle en écartant, sans concertation préalable, les infirmières libérales au profit de la FNEHAD, ramenant de fait ces dernières au rang de prestataires au service de l’HAD. C’en est trop pour les infirmières libérales qui, confrontées sur le terrain aux volontés hégémoniques de l’HAD, devraient en plus cautionner, par leur appartenance au CNPS, l’irresponsabilité des fossoyeurs du système conventionnel.
Cette annonce vient s’ajouter au sujet polémique de la vaccination. Là encore, l’opposition des professions entre-elles aurait pu être évitée. Une initiative parlementaire dans le PLFSS vise en effet à confier aux pharmaciens un rôle vaccinal, rien du côté des infirmiers…. Alors qu’aux Entretiens de Bichat le 6 octobre dernier, la Direction Générale de la Santé, les Ordres des médecins, pharmaciens, infirmiers et la HAS s’entendaient sur la nécessité d’impliquer les trois professions pour relever le niveau vaccinal de la France, ce sujet n’a jamais été débattu au sein du CNPS. Impensable dans ces conditions de soutenir une position interprofessionnelle, encore moins de présenter et de défendre des amendements au PLFSS 2017.
Cette situation illustre l’absence de véritables échanges au sein des différentes professions représentées au CNPS, en particulier entre les professions doctorantes et les auxiliaires médicaux. L’essence du travail collectif a disparu. Plus grave, les infirmières libérales se trouvent associées à des positions qui vont à l’encontre de leurs intérêts. Comme dans le cas de l’HAD, mais pas seulement.
Au moment où la loi Touraine, dans la continuité de la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires induit des clivages évidents entre les professions médicales, les pharmaciens et les auxiliaires médicaux, on attendait du CNPS qu’il favorise le dialogue et la collaboration interprofessionnelle pour exercer un contre pouvoir face aux velléités d’étatisation de la médecine de ville sur fond d’hospitalo centrisme.
Force est de constater aujourd’hui que le CNPS s’est gravement écarté de ses fondamentaux.
C’est ainsi qu’au CNPS, la question de l’évolution des professions qui le composent ne bénéficie pas du même traitement. Comment comprendre, que le fait d’étendre les prérogatives des pharmaciens à la vaccination ne soit pas abordé et débattu au CNPS lorsqu’en revanche, la simple évocation des pratiques avancées infirmières dans la loi Touraine, suscite un tollé des médecins évoquant le retour des officiers de santé.
La convergence des maladresses, des incohérences, voire des provocations, conduit les syndicats d’infirmiers libéraux à reprendre leur liberté de parole et d’action.
Persister à croire aujourd’hui que le simple fait de cotiser au CNPS peut pallier au déficit d’audience des paramédicaux est pure naïveté. La FNI, CI et l’ONSIL sont aujourd’hui convaincus que les professions non médicales ont tout intérêt à se regrouper dans un collectif interprofessionnel autour de valeurs communes.
L’acte fondateur d’une telle organisation pourrait être de demander une modification du livre 3 du code de la santé publique afin de remplacer les mots « auxiliaires médicaux » par « praticiens de santé ».