Les raisons pour lesquelles CONVERGENCE INFIRMIÈRE n’a pas signé l’avenant n°6

► Malgré une participation active aux négociations, Convergence Infirmière ne signera pas l’avenant n°6. La faute à des mesures inadaptées aux enjeux.

Après avoir participé à 35 (!) réunions de négociations, le Conseil d’administration de Convergence Infirmière a pris la décision de ne pas signer l’avenant n°6, le vendredi 29 mars 2019. Pour de multiples raisons. Et ce malgré le fait que, poussés par notre ténacité, nous ayons très activement contribué à accroître l’enveloppe dédiée aux infirmières puisque, pour rappel, la première ″culminait″ à moins de 200 millions. Elle a ensuite augmenté à hauteur de 300 millions d’euros, avant de se stabiliser à 361,9 millions d’euros.

La 34ème et avant-dernière réunion des négociations conventionnelles se tenait le 21 mars dernier, à Paris. Elle fût houleuse, tant les propositions émises par la Cnam furent inquiétantes pour la profession infirmière. Ou consternantes. C’est au choix.

Quoiqu’il en soit, Convergence Infirmière n’a pas pu se satisfaire du texte proposé par la Caisse, tellement éloigné de nos attentes… Il semble malheureusement que les vieux démons du passé soient de retour et agitent à nouveau les têtes pensantes du régime d’assurance maladie…

CONVERGENCE INFIRMIÈRE, FORCE DE PROPOSITION… ESSEULÉ !

Si nous pouvons évidemment nous satisfaire, pour la profession, que l’expertise infirmière soit reconnue par la mise en œuvre des bilans pour les pansements, pour l’évaluation des besoins en soins infirmiers (avec l’abolition de la notion de temps) et grâce au bilan permettant la mise en place des médicaments, mais également d’autres mesures comme la prise en charge des patients dans le virage ambulatoire, nombre de points négatifs demeurent. Que ni la Cnam, ni les autres syndicats n’ont souhaité faire évoluer.

Bien entendu, nous notons l’apparition de nouveaux actes, tels que la surveillance des post op avec le retrait de sonde urinaire, le retrait de Redon, certains actes de télémédecine, la possibilité de préparer, distribuer et administrer des médicaments aux patients atteints de pathologies cognitives avec une petite évolution de la cotation à la clé, l’évolution de la cotation de certains pansements, ou bien encore l’externalisation des forfaits de certains actes, comme la prise de sang ou les surveillances glycémiques et les injections pour les diabétiques… que nous obtenons au forceps !

Pour autant, certains points de cet avenant sont particulièrement inquiétants. Malgré toute notre détermination et notre obstination, nous ne sommes pas parvenus à les faire évoluer… car nous n’avons pas été soutenus par les autres syndicats !

LES INFIRMIÈRES, VARIABLES D’AJUSTEMENT DE L’ASSURANCE MALADIE

Concernant la mise en œuvre des forfaits journaliers destinés à remplacer les AIS, Convergence Infirmière souhaitait voir la mise en place de 4 ou 5 forfaits différents… ce que les autres syndicats ont rejeté.

De facto, cela entraîne une prise en charge lésée, au profit des trois autres. Ce sont les Prises En Charge (PEC) lourdes, qui n’ont pas de cotation ou qui seront sous-cotées. Pour pallier à cet inconvénient, et pour que les patients en soins palliatifs ne soient pas dirigés vers des structures et continuent ainsi à être pris en charge par les IDEL, Convergence Infirmière, lors de l’avant-dernière séance, a fait la proposition d’une nouvelle majoration de coordination pour les soins palliatifs : MCSP à 10€, à coter pour chaque passage.

La Cnam l’a refusée ! Aussi, vous l’avez bien compris : tous les patients en 4 AIS3 par jour auront une cotation maximale de 28,70€ au lieu de 31,80€.

Nous réfutons également une mise œuvre séquencée jusqu’en 2023… alors que les AIS n’ont pas été revalorisés depuis 2009 ! 10 ans déjà !!!!

Bien évidemment, nous aurions souhaité une revalorisation des lettres-clés (AIS, AMI et IFD), mais la Cnam, ne raisonnant qu’à l’aide de ses tableurs, ne le voulait pas, elle. Le que trop fameux ″effet volume″ que nous oppose à satiété Nicolas Revel… Comme il y a de plus en plus de personnes âgées et d’infirmières libérales, les enveloppes s’envolent ! Mais ne devrait-on plus soigner nos anciens, sous prétexte que le coût serait trop élevé ???

Les infirmières doivent-elles servir de variables d’ajustement des finances de l’assurance maladie, face au ″papy-boom″ ? La Cnam raisonne en termes d’enveloppe et toutes les mesures doivent entrer dans les bonnes cases, quitte à utiliser le ″chausse-pied″ ! Bref, on ne pense jamais d’abord aux besoins des patients, mais au budget qui va y être consacré ; on enlève d’une case pour transférer à l’autre… Nicolas Revel ou tableur : même combat !

INCONGRU : LA MISE EN PLACE DE FORFAITS ″FLOTTANTS″

Et pourtant… les infirmières rendent service à la population tous les jours de l’année, 24h/24, 7 jours sur 7 ! Elles prennent en charge 75% de la dépendance pour des tarifs défiant toute concurrence. Et grâce à l’œil averti des IDEL, à leur expertise, leur formation et leur expérience, elles évitent bon nombre d’hospitalisations ; non quantifiables certes, mais c’est une certitude !

Mais ce n’est pas tout ! Une clause de revoyure à six mois, après la mise en place de ces mesures, rend ces forfaits… flottants ! Si l’enveloppe budgétaire allouée à ces forfaits venait à être dépassée de 10%, des mesures correctrices seraient mises en œuvre pour corriger le déséquilibre. Des ″forfaits flottants″ !!! Et sur une enveloppe que la profession devrait partager avec l’incessant déploiement de l’alternative salariée…

Une véritable incongruité pour Convergence Infirmière. Car vous l’aurez compris : les montants de ces forfaits peuvent être revus à la baisse, à l’instar des 66 actes de biologie qui viennent dernièrement de diminuer avec une mesure de maitrise médicalisée similaire pour les biologistes.

Qui pourrait se satisfaire de voir sa rémunération baisser de la sorte, avec pareilles mesures coercitives ?

Avec la réforme des retraites qui s’annonce, comment pourrons-nous, demain, payer le double de nos cotisations… pour un rendement inférieur ?

Dans les années 2000, nous avions âprement combattu ces lettres-clés flottantes ; elles font leur grand retour avec le BSI ! Comment s’en satisfaire ? Comment ne pas prendre la défense de tous les professionnels de santé ? Et notamment ceux qui prennent en charge des patients dépendants ?

DÉSHABILLER PIERRE POUR HABILLER PAUL : UN MODE DE FONCTIONNEMENT ABSURDE

Une autre pierre d’achoppement a vu le jour : l’envoi du BSI au médecin, pour avis, alors que Convergence Infirmière demande à ce que le bilan soit envoyé pour information. Quitte à ce que le médecin émette un avis, le cas échéant. Finalement, on en vient à se demander jusqu’à quand notre rôle propre sera subordonné au médecin ? Pour certains, il semblerait que ″l’ordre des choses″ soit immuable…

Enfin, depuis le début, Convergence Infirmière n’a pas voulu en démordre sur le problème majeur des soins en ruralité et en montagne. Et là encore, nous sommes tristes d’avoir à le livrer ici, mais seul Convergence Infirmière défend les IDEL exerçant dans ces zones, malgré les railleries des deux autres syndicats. La mesure prônée par la Cnam consiste à plafonner le montant facturé ″en étoile″ des indemnités kilométriques journalières, et sans Convergence Infirmière, ce seuil n’aurait jamais évolué ! Le premier seuil proposé par la Caisse était fixé à 250 kilomètres ; nous en avons obtenu 299, alors que nous en souhaitions 400.

Désormais, et jusqu’à 299 km inclus, les IDEL factureront à taux plein. Elles subiront un abattement de 50% du tarif jusqu’à 399 km, et plus de remboursement des IK au-delà. Sachant que les infirmières travaillant dans ces zones n’effectuent aucun soin durant leurs trajets, elles se voient fortement pénalisées (ces horo-kilomètres ne sont pas véritablement à la hauteur de tous les frais réels, notamment l’augmentation du carburant ; c’est pourquoi Convergence Infirmière a proposé – en vain – d’augmenter les indemnités horo-kilométriques, à l’instar de ce qui a été fait pour les kinésithérapeutes).

Mais il y a pire : l’enveloppe ainsi récupérée s’élève à 8 millions d’euros… réinjectés dans d’autres mesures. ″Déshabiller Pierre pour habiller Paul″, voilà bien le leitmotiv qui semble guider le technocrate Nicolas Revel !

QUELQUE PART ENTRE RIRES (NERVEUX) ET LARMES…

Une autre mesure proposée nous a également posé problème (alors qu’elle a visiblement satisfait les deux autres syndicats) : la facturation du BSI. Nous avons proposé un DI 6 par an… et nous obtenons un DI 2,5 et un DI 1,2 ! Soit une perte énorme, puisque jusqu’à maintenant, nous facturions 4 DSI par an (40€ ou 45€), alors que si la situation ne le nécessite pas, nous n’effectuerions qu’un BSI par an, à 25€ pour la 1ère année et 12€ pour les suivantes !

Enfin, un sujet d’importance nous a interpelé, puisque nous ignorons totalement de quelle façon l’algorithme va classer les patients dans les forfaits légers, intermédiaires ou lourds, puisque nous ne l’avons pas testé !!! Ce sont donc les représentants des infirmières libérales qui envoient la profession au casse-pipe, sans contrôle, ni test : ubuesque !

Et que dire de cette mesure de recensement de l’offre de soins qui prend en compte les centres de santé, mais pour lesquels il n’existe pas de mesure de régulation ! Autrement dit, une infirmière libérale ne pourra pas s’installer dans une zone surdotée, sauf si une place se libère. Par contre, un centre de santé pourra s’installer ou augmenter son nombre d’infirmières sans jamais être inquiété, avec toute une garnison d’infirmières qui pourront prendre en charge des soins à domicile. Bref : aucune équité dans ses mesures !

Bientôt, ce seront les Ehpads qui autoriseront la sortie des infirmiers au domicile…

DES MESURES QUI NE SONT PAS À LA HAUTEUR !

Les propositions, en termes de régulation démographique, ne nous ont pas plus satisfaits. Convergence Infirmière avait demandé à ce que les IDEL s’installant dans une zone y exercent pour 2/3 de leur activité. Demande qui a bien été entendue… sauf qu’il fallait un préalable à cette mesure : remettre à plat la cartographie du zonage.

Ainsi, toute infirmière libérale travaillant dans une autre zone que celle où elle est installée devrait être identifiée dans sa zone d’exercice, pour éviter de déstabiliser la zone par la suite. La Cnam n’était pas opposée à cette mesure, mais les deux autres syndicats, oui !!! Une aberration ! Et un comportement aussi inadmissible qu’irresponsable, pour Convergence Infirmière.

Conséquence : toute IDEL installée en zone très dotée ou intermédiaire ne pourra pas céder sa patientèle, si elle travaille dans la zone sur-dotée attenante (son lieu d’exercice). Le cabinet d’infirmières dans lequel cette IDEL œuvre ne pourra pas recruter une nouvelle infirmière libérale pour la remplacer… et la place sera perdue ! Et que dire des patients domiciliés dans cette zone, et qui ne seront plus pris en charge ?!?

Ce sont toutes ces aberrations et ces injustices qui ont conduit Convergence Infirmière à ne pas signer cet avenant n°6.

La dépendance est un vrai défi, mais ces mesures ne sont pas à la hauteur ! Le rôle propre des infirmières doit être défendu : il constitue l’essence même de notre profession ! Ce sont tous ces rôles de prévention, d’organisation, de coordination et d’éducation qui devront être mis en exergue dès demain, dans les ESP (Equipe de Soins Primaire).

Nous allons interroger la profession vis-à-vis de toutes ces mesures et déciderons, en fonction de leurs réactions, de la suite à donner. N’hésitez donc pas à nous faire part de vos sentiments et de vos analyses.

Quoi qu’il en soit, Convergence Infirmière appelle d’ores et déjà toutes les infirmières à contacter les députés comme les sénateurs, et à les interpeler pour faire évoluer les textes.

Ne baissez surtout pas les bras : comme vous, Convergence Infirmière est animé par une profonde détermination ; c’est notre signature. Nous ne lâcherons rien et nous serons à vos côtés pour défendre les intérêts de la profession infirmière. Vos intérêts. Nos intérêts. Et ceux de tous nos patients.

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