Suppression du concours d’aide-soignant

Méthodiquement, le gouvernement démantèle notre système de soins, pierre par pierre…

À l’occasion d’un déplacement à l’Institut de formation des aides-soignants (Ifas) de Nanterre, en fin de semaine dernière, Agnès Buzyn, alors Ministre des Solidarités et de la Santé, annonçait une série de mesures pour renforcer l’attractivité du métier d’aide-soignant… la plus emblématique étant la suppression, dès septembre 2020, du concours d’entrée en Ifas. Chronique d’une catastrophe annoncée…

DES INCONGRUITÉS AUSSI ABSURDES QU’IRRESPONSABLES !

Cette suppression, censée “élargir l’appel des vocations”, faisait partie des préconisations de la mission pilotée par l’ancienne ministre du travail, Myriam El Khomri (remis à Agnès Buzyn le 29 octobre 2019), dont Convergence Infirmière s’était bien entendu fait l’écho, à l’époque. C’est donc logiquement que Myriam El Khomri accompagnait la Ministre lors de son déplacement à l’Ifas de Nanterre. Ce qui ne laissait rien présager de bon…

Supprimer purement et simplement le concours d’aide-soignant : voilà une ineptie dont l’ancienne Ministre du Travail semble en effet incapable de mesurer les conséquences ! Car ce n’est évidemment pas sérieux de supprimer toute sélection. N’importe qui pourra alors accéder à ce métier (même si de prétendus ″garde-fous″ devraient voir le jour, évidemment !) et, corolaire inévitable, c’est bien la qualité des soins qui va se dégrader et la santé des patients qui sera en danger.

LE PRINCIPE DES VASES COMMUNICANTS… MAIS DANS UN SEUL SENS !

Et le gouvernement travaille d’arrache-pied sur cette aberration, puisque 27 actes infirmiers pourraient rapidement être transférés aux aides-soignants. Que nos ministres favorisent et banalisent ce glissement des tâches est aussi inadmissible que dangereux. Cela démontre – s’il en était besoin – que les considérations financières prennent définitivement le pas sur la qualité. Y compris dans l’esprit de ″nos élites″, censées œuvrer pour l’intérêt général.

Convergence Infirmière le dit et le redit : derrière un acte, il y a des compétences ; derrière un acte, il y a un patient qui a besoin d’un professionnel hautement qualifié. Le nivellement par le bas, dans la santé comme ailleurs, n’est pas une ligne politique tenable. Confier nos actes à des personnes qui n’en ont pas les compétences, c’est porter une atteinte à la profession infirmière. Pire : c’est nier l’essence (et le sens) même de notre métier. C’est nous sacrifier, alors que les infirmières libérales sont garantes de la qualité des soins… c’est donc aussi sacrifier les patients.

ÉCONOMISER À COURT TERME… UNE CATASTROPHE SUR LE LONG TERME

Et pourtant, la qualité des soins n’est-elle pas l’indiscutable leitmotiv fixé par l’OMS ? L’objectif vers lequel chaque société devrait tendre ? Une récente étude fait d’ailleurs pleinement écho aux choix de nos politiques… et à leurs inévitables répercussions ! Ainsi, des chercheurs affirment, dans le BMJ Quality and Safety, que ″certaines initiatives politiques devraient être prises avec prudence en raison des conséquences parfois mortelles pour les patients1.

L’étude, portant sur 243 hôpitaux en Europe (Belgique, Espagne, Finlande, Grande Bretagne, Irlande, Suisse), a permis d’examiner les données de sortie de 275 519 patients post-chirurgie. Pour ce faire, les chercheurs ont interrogé 13 077 infirmières et 18 828 patients. Et au final, on constate, effarés, que les patients voient leur risque de décès augmenter jusqu’à 20% dans certains services ou établissements dans lesquels les infirmières dûment qualifiées ont été remplacées par du personnel non formé.

Corolaire indiscutable de la même étude : les services et établissements qui comptent plus d’infirmières que aides-soignantes accusent des taux de mortalité plus faibles, après une intervention.

Mêmes conclusions de la toute récente étude InterCare de l’Université de Bâle, mandatée par l’Association suisse des infirmières2 : un personnel soignant qualifié en suffisance évite des centaines de décès par an ; un manque d’infirmières implique une plus longue durée des hospitalisations. Ainsi, moins de 10 heures de soins qualifiés par jour et moins de 88% de personnel infirmier dans l’équipe soignante entraînent 223 020 jours de soins supplémentaires par an. CQFD.

QUI N’A PAS ÉTÉ REVALORISÉ DEPUIS 10 ANS ? LES IDEL !

Au final, ce dont les politiques n’ont pas conscience, c’est que les IDEL sont, en quelque sorte, ″le dernier rempart″ : elles gèrent tellement de choses, rattrapent tellement de situations, au quotidien, sans même les relever, que toute cette part de leur activité est devenue invisible. Elle ne se révèlera au grand jour, que lorsque des personnes qui n’en ont pas les compétences effectueront leurs actes !

En France, 120 000 infirmières libérales prennent quotidiennement en charge 1 million de patients ; et il faut y ajouter la famille, les proches et les divers aidants qu’elles voient quotidiennement. Nous participons donc de manière essentielle au fonctionnement de notre système de santé. Mieux : nous sommes les principaux acteurs sanitaires de proximité, tout comme les maires le sont dans la gestion publique.

Pourtant… nos AIS n’ont pas été revalorisés depuis 2009 ! 11 ans déjà ! Et puis, que dire de l’Avenant 6, qui dégrade plus encore notre activité ? Enfin, entre des pharmaciens qui assurent désormais les vaccinations antigrippales et des aides-soignants qui pourraient bientôt effectuer 27 actes infirmiers, l’IDEL a de moins en moins d’espace pour survivre.

VIVRE OU SURVIVRE ? CONVERGENCE INFIRMIÈRE A CHOISI SON CAMP !

Mais ce que nous voulons, ce n’est pas survivre… mais VIVRE ! Nous ne nous laisserons pas faire ! Convergence Infirmière appelle donc toutes les infirmières libérales à se mobiliser et à interpeller les parlementaires au sujet de ces aberrations. Ne bradons pas nos compétences ! L’État veut déléguer les actes infirmiers aux aides-soignants… sans les payer au même tarif ! Ce qui est aberrant, car l’acte sera – théoriquement – le même ; il devrait donc être payé à l’identique. Cela prouve que l’objectif est aussi limpide que simpliste : payer moins cher pour le même acte ! Niveler par le bas n’a jamais été une solution. Pour personne. Et la santé concerne tout le monde, sans exception. Sur le moyen et long terme, les dégâts seront désastreux, c’est une évidence. Et dire que tous les pays du monde enviaient notre système sanitaire… il est en train d’être démantelé ! Réagissons !

Finalement, en ″regardant les choses d’en haut″, on voit clairement que nos dirigeants n’ont strictement rien compris : alors que les Pays-Bas caracolent en tête des systèmes de santé les plus efficaces, en s’appuyant sur des petites équipes de proximité composées d’infirmières mettant en exergue toutes les facettes du rôle propre infirmier, le Gouvernement français s’acharne sur nous sans que l’on ne comprenne véritablement le sens de sa démarche. C’est parce que de ″sens″, il n’y en a pas : seule la finance guide ses pas… C’est donc la catastrophe assurée.

Convergence Infirmière refuse ce système absurde et ces nouveaux métiers ″low cost″ ! Nous appelons donc les infirmières à s’y opposer !

BMJ Quality and Safety November 15 2016 doi:10.1136/bmjqs-2016-005567 http://qua­li­ty­sa­fety.bmj.com/content/early/2016/11/03/bmjqs-2016-005567.short?g=w_qs_ahead_tab

Les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS), venant de 135 hôpitaux et de plus de 1,2 million de patients, ont été analysées par une équipe sous la direction de Michael Simon, expert en sciences infirmières dans les Universités de Bâle et de Berne ainsi que de l’économiste bernois Michael Gerfin.

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