Les 9 et 10 mai 2024, le Ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention Frédéric VALLETOUX s’est rendu à Mayotte dans le cadre de l’épidémie de choléra qui a fait son premier mort, une fillette de 3 ans alors qu’au moins 78 sont cas recensés.
Au regard de leur expérience en matière épidémique (dengue, COVID 19, leptospirose, fièvre de la vallée du rift, gale…), les infirmières et les infirmiers libéraux, soignants de terrain 365 jours par an aux 4 coins de l’île, savent que le nombre de cas réels est bien plus élevé, des cas qui bien souvent ne seront jamais recensés. En effet le comptage se fait uniquement sur confirmation biologique et pour cela il faut consulter ou être cas contact !
Avec un hôpital unique saturé et en crise depuis plusieurs mois, un dispositif de santé en ville et en libéral bien en-dessous des besoins fondamentaux de la population, il est bien difficile de consulter en temps normal. Se rajoute à cela d’abord l’isolement des étrangers en situation irrégulière qui se déplacent de moins en moins et se cachent au vu de l’opération « Mayotte place nette », ensuite la pratique de médecines traditionnelles, enfin le simple manque de considération des signes de la maladie comme lors des autres épidémies.
Les infirmières et les infirmiers libéraux de Mayotte ont répondu présent à plusieurs occasions dans le cadre de la visite officielle du Ministre de la Santé : signature d’un CLS, inauguration d’une MSP, échange avec la 1ère CPTS de Mayotte ou bien encore lors de la visite des stands de prévention des IST sur la place de la République.
Quelles annonces ? Quelles mesures ? RIEN. Rien sauf la promesse de revenir dans 2 mois. Le danger est pourtant bien là au quotidien mais toujours pas les moyens sur le terrain. « La situation est sous contrôle » a souhaité rassurer le Ministre lors d’une intervention au journal télévisé national. Pourtant des cas pour le moment isolés sont déclarés sur d’autres villages. L’inquiétude grandit.
Convergence Infirmière demande solennellement et sans délai :
– La mise en place à nouveau de la distribution d’eau potable en bouteille, a minima dans les zones atteintes par cette maladie
– La mise à disposition gratuite des vaccins aux IDEL volontaires (et autres soignants de l’ambulatoire) tels que les vaccins contre le choléra, la typhoïde et l’hépatite A
– La distribution à chaque IDEL d’un « kit choléra » identique à celui qui est donné à la population touchée (réservoir d’eau avec robinet, savon, seau…) afin de se laver les mains en sortant ou rentrant dans son véhicule
– La distribution de kits choléra supplémentaires pour les IDEL qui souhaitent prévenir la maladie dans les domiciles visités quotidiennement et ne disposant pas d’eau courante
– La constitution d’une « dotation spéciale IDEL » pour les volontaires afin de mieux répondre aux consignes du centre 15 (kit de perfusion avec solutés, SRA, pst de première intention, ampoule de G30%)
– Une garantie de l’Etat pour la continuité des soins des personnes étrangères attendant une décision sur leur demande de titre de séjour. Cette attente peut durer plusieurs mois, sans accès à des médicaments ni à tous les professionnels et services nécessaires à la bonne prise en charge des pathologies chroniques
– La création immédiate de l’URPS Infirmiers de Mayotte, sans attendre les prochaines élections, afin que les IDEL de Mayotte décident et prennent les mesures pour les IDEL de l’île. A ce jour, l’URPS infirmiers Océan Indien joue ce rôle avec 12 membres de La Réunion et 1 seul de Mayotte
– L’élaboration rapide de protocoles collaboratifs fondés sur l’article 51
– La mise en place immédiate de mesures de crise à l’instar des mesures déployées lors de la pandémie de la COVID 19.
– La mise à jour et l’accès privilégié au recyclage de la formation AFGSU2 avec l’intégration d’une journée supplémentaire pour aborder le volet médecine de catastrophe et crises comme ont pu le réaliser certaines consœurs et certains confrères des Antilles.
Les IDEL de Mayotte poussent au maximum et même dépassent le cadre de leur pratique sur ce territoire en désertification médicale. Les IDEL participent régulièrement à l’élaboration de diagnostics et d’orientations les plus adaptées de par leurs connaissances locales et leurs observations accrues. Les infirmières et les infirmiers libéraux côtoient quotidiennement la précarité sociale et sanitaire et s’investissent au plus près de leurs patients et de l’ensemble de la population de Mayotte.
Convergence Infirmière appelle les organisations syndicales et plus largement tous les IDEL de Mayotte à se retrouver prochainement pour travailler sur ces sujets. Une réunion avec le Ministère de la Santé devrait se tenir d’ici la fin du mois. L’urgence c’est maintenant, l’avenir c’est demain !