Lettre à Elise…

Quand l’Etat instaure la présomption de culpabilité avec l’article 44 du PLFSS 2023 que nous avons fustigé mais qui est passé en force à coups de 49.3 si cher à celle que l’on peut désormais nommer Elisabeth 49.3, Elise Lucet, elle, dans sa prochaine émission Cash Investigation se fera l’apôtre de la CNAM en jetant l’opprobre sur cette belle profession infirmière. Tout cela pour quelques brebis galeuses qui nuisent aux autres par leur comportement que nous condamnons !

> Lettre à Elise

La mienne n’enchantera pas celle du cœur hélas ! https://youtu.be/-XBnXmanolw

Alors Elise, permettez-moi de vous appeler Elise !

Savez-vous, Elise ce qu’est un indu ?

Lorsqu’une prestation a été réglée par l’Assurance Maladie et que la Caisse s’aperçoit que la prestation n’était pas due, elle en réclame le remboursement.

Il est bon de préciser que toute infirmière peut être confrontée à un remboursement d’indu.

Quelques explications me semblent nécessaire.

Comment arrive un indu ?

Une erreur de cotation peut survenir en oubliant de cocher ou décocher une case sur l’ordinateur !

Notre nomenclature forte de plus de 100 actes est source d’interprétation pas seulement par les infirmières mais également par les CPAM (qui n’ont pas toutes le même discours) par les formateurs en NGAP, par la CNAM qui est loin d’être claire et qui à chaque inscription de nouveaux actes à celle-ci, s’épanche dans un langage technocratique alambiqué, surtout pas adapté à la réalité du terrain.

Dans notre nomenclature, certains actes peuvent se cumuler entre eux et d’autres non. Cette nomenclature est devenue tellement complexe qu’il faut désormais avoir bac + 15 pour ne pas se tromper ! Pour exemple, nous pouvons coter un pansement Ami2 ou un autre Ami4 ou encore Ami5,1, mais parfois Ami 3 selon la nature du pansement ! Certains cumulables avec d’autres actes et pour d’autres non avec une majoration Mci ou pas!

Les libellés des ordonnances médicales ne correspondent que rarement au libellé de la NGAP et les médecins n’ont pas de temps à consacrer à l’écriture d’une longue ordonnance pour un pansement par exemple …

Une erreur lors de la saisie dans le logiciel métier peut avoir des conséquences néfastes et importantes ensuite !

Les infirmières libérales sont des soignantes pas des administratives ni des informaticiennes !

Il est à déplorer et nous le savons, puisque certaines caisses l’appliquent, que les erreurs détectables avant le paiement, soient ignorées à dessein pour parvenir à des sommes colossales, afin de porter l’estocade finale et agiter la muleta devant la presse pour qu’ensuite une émission de télévision à charge démolisse une profession!

Quel élément avez vous pris en compte Elise? La somme réclamée, ou la somme réellement remboursée par l’idel après passage au tribunal? Après remise par l’idel d’un dossier contradictoire prouvant sa bonne foi?

Lequel Elise?

39, 3 millions d’euros en 2020 de fraudes pour les Idel (chiffres Cour des Comptes). Donc si on regarde bien, Elise, cela correspond à 300€ d’indus par Idel sans extrapolation puisque nous sommes 127000 Idel … et si extrapolés sur 3 ans nous tombons à 100€?

Euh … pas plus que pour d’autres professionnels qui sont bien moins nombreux !!

Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ! (Francis Bacon)

Savez-vous, Elise, que cette profession applaudie hier, est en burn-out aujourd’hui, usée, fatiguée, malmenée, déconsidérée, sous-payée, accablée. Elle ne trouve plus de sens dans ce qu’elle fait et que votre émission, portera sûrement le coup de grâce.

Pour votre information, Elise, une enquête (eh oui nous aussi nous enquêtons sur le terrain) menée auprès de 50000 IDEL démontre dans les plus de 4000 réponses reçues en 1 seule journée (c’est dire l’importance que cela revêt pour les IDEL)que 55% de ces infirmières libérales envisagent d’arrêter ou de se convertir dans les 5 prochaines années. En cause, la surcharge administrative, la non-reconnaissance de la profession, la stagnation des tarifs depuis 10 ans, l’épuisement dû à cette charge mentale …

Il y avait les déserts médicaux, désormais il y aura des déserts infirmiers !

Mais peut-être que c’est ce que veut l’Etat et que vous Elise, servez aussi ce noir dessein.

L’Etat doit prendre la mesure des conséquences que ce genre d’émissions peut avoir sur les soins de ville.

Derrière ces chiffres et derrière ces basses manœuvres délétères( communications avec grand bruit) chère au directeur de la Cnam , il y a de la souffrance, la souffrance de mes consœurs et de mes confrères qui se lèvent le matin aux aurores pour accompagner des patients aux problèmes de santé plus importants pour certains que pour d’autres et ce n’est pas facile. D’autres sont bien au chaud derrière leur ordinateur avec des tableaux Excel à asséner la sentence alors que les Idel courent le pays dans le froid comme dans le chaud pour pallier à toute situation de souffrance et de douleur. Vivant que de deniers publics le raisonnement de la CNAM n’est que budgétaire alors qu’il devrait y avoir un peu de reconnaissance pour les Idel accompagnants et palliant aux carences étatiques en matière de dépendance!

L’hôpital est en soins palliatifs, la ville va suivre si on continue dans ce sens…

Savez-vous, Elise, qu’une infirmière libérale est toujours payée 6,30€ brut pour un pansement, sans revalorisation depuis 10 ans (45% à 50% de charge) et 2,50€ le déplacement non augmenté depuis plus de 10 ans ! Ah si pardon ! 0,04 Cts pour compenser l’augmentation du carburant ( jusqu’au 31/12/2022)

Savez-vous, Elise, que pour les patients les plus lourds, les plus dépendants, les infirmières libérales ont perdu plus de 3€ par jour sur chaque prise en charge. Les infirmières ont perdu globalement 20% de pouvoir d’achat en 10 ans .

L’IDEL toujours dénigrée, jamais reconnue !

Vous participez, Elise, à cet infirmière bashing !

Alors, Elise, dans votre édito de présentation, quand vous traitez les infirmières de fraudeuses, vous m’insultez moi personnellement !

Et ça je ne l’admets pas car vous ne savez pas ce que les infirmières font tous les jours dans la vraie vie !

Ghislaine Sicre
Présidente de Convergence Infirmière

 

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