S. – Dépt 74

Une patiente que nous suivions mensuellement depuis des années pour des injections en rapport avec ses troubles bipolaires a dû subir une mastectomie suite à un diagnostic de cancer fulgurant dans une famille ayant des antécédents de ce type de cancer.

L’opération se déroule dans un centre de cancérologie à 2h de son domicile. A son retour au domicile, aucun soin infirmier n’est prescrit, le chirurgien ayant trouvé plus économique de laisser la patiente faire ses soins seule, oubliant sans doute la partie humaine et empathique de sa pratique professionnelle. Certes un sein, c’est une partie anatomique comme tant d’autres, un bout de bidoche en quelque sorte ; Mais c’est surtout, pour une patiente, une mutilation, un deuil d’une partie de sa féminité, d’une partie de sa maternité, d’une partie de sa sexualité … un bout de bidoche sûrement pour lui, bien plus pour elle. Ajoutons à cela la peur de mourir, une mutilation, une énorme cicatrice qu’elle n’avait ni envie de voir, ni envie de toucher …

Voilà la patiente de retour à son domicile avec la consigne orale du chirurgien de « nettoyer la plaie ».

Comme vous pouvez le deviner, la patiente a dû retourner voir le chirurgien une dizaine de jour après l’opération. Transport en VSL, hospitalisation d’une semaine pour abcès avec batterie d’examens s’en suivirent. Le second retour à domicile est arrivé, avec une ordonnance de pansement lourd et complexe quotidien et enfin nous sommes contactés pour intervenir.

Cette violence psychique chez une patiente déjà souffrante dans cette fonction m’écœure au sujet de la démarche de certains soignants. Cette violence de laisser cette patiente soigner seule ses plaies face à une telle épreuve. Cette violence d’occulter la partie psychologique qu’engendre cet acte chirurgical et cette maladie.

Quant à nous, la violence réside dans le fait de nous réduire à un coup de Bétadine, que tout le monde peut faire, solo. Alors que nous sommes tellement plus : nous sommes la main qu’elle a tenu en nous livrant sa souffrance, en nous livrant sa peur, nous sommes celles qui écoutent, qui encouragent face à son acceptation du diagnostic, nous sommes celles qui donnent les réponses face à ses questions.

Ma vie d’IDEL ce n’est pas seulement un AMI en bas d’une feuille de soin, c’est surtout l’humain, offrir mon humanité et mon empathie parce que c’est comme ça que devrait être le soin dans un des pays les plus riches du monde.

Je conclurais en mentionnant le nerf de la guerre, l’argent. L’Assurance Maladie, sur ce cas concret a dépensé autour de 20 000€. L’intervention dès la première sortie d’hospitalisation d’une IDEL, qui, de fait aurait réduit le risque de ré-hospitalisation aurait coûté moins de 600€.

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